Là où dictature et démocratie se rencontrent et se mélangent
Le récit
Train russe. Il n'est plus en tôle ondulée, les fenêtres n'ont plus de rideaux, il n'y a plus un mini-magasin sur la tablette, les lumières fonctionnent et les murs sont plutôt clairs. Tout change ! Sauf à Brest : ça sent enore le charbon. Les voies à gauche pour l'Europe, celles de droite pour la Russie : l'écartement des voies n'est pas le même. C'est dimanche et mis-à-part suivre la foule de fidèles jusqu'à l'église orthodoxe il y a peu de chose à faire. Une petite zone piétonne vide, des HLM typiques le long de la rivière, un musée du chemin de fer où la peinture tient toute les pièces, le kremlin avec statue soviétique massive et alignées de chars, visite du TSUM. On continue en platskart (couchette ouvertes à six) jusqu'à Moscou et on découvre qu'il n'y a malheureusement pas de voiture-restaurant.
Arrivée à 6h30. Cela nous permet de retirer les billets pour Kazan, de prendre le métro pour aller déposer nos bagages dans la gare de départ ce soir, d'aller retirer les billets Irkoutsk-Pékin à l'autre bout de la ville et d'être sur la place Rouge vers les 10h00. À notre quatrième passage à Moscou, on visite enfin le kremlin : on ne peut pas aller où on veut, et les flics nous remettent sans cesse à l'ordre… Il y a toutefois cinq superbes églises à voir et une énorme cloche ébréchée. Après quelques kilomètres parcourus en ville et la visite de beaucoup d'églises, on se rend à la gare. Départ à 22h00 pour Kazan.
Une bonne surprise nous attend en ouvrant le store : de la neige, partout ! Et il fait froid. Après avoir récupéré les billets pour Irkoutsk, on cherche un hôtel et c'est pas facile : tout est plein, et certains n'effectuent pas les formalités pour les étrangers. Visite du kremlin, au patrimoine de l'UNESCO depuis 2005 : grande muraille, une église, une mosquée, et des tas de bâtiments qu'on ne peut pas visiter. Jolie vue sur la Volga, complètement gelée, avec des gens dessus qui pêchent ! On va au marché faire les courses pour les trois prochains jours de train. Grandes halles avec pas mal de choses, qui tirent parfois dans le style oriental. Il y a des mosquées partout d'ailleurs. La ville est très belle avec beaucoup de vieux immeubles 1800 bien refait et bien repeint. Une jolie zone piétonne. On visite le musée des 1000 ans de la ville dans un bâtiment improbable avec une gentille dame qui nous explique tout en russe (langue que nous ne parlons pas !).
Départ à 5h07 en platskart pour Ekaterinbourg jusqu'à 18h00, mais on est bien organisé, on commence à avoir l'habitude. Première débâcle : du jus de choucroute nous coule dessus, le pot acheté au marché n'est pas hermétique ! Après quelques nettoyages matinaux on vit tranquillement au rythme du train : sieste, repas et observation du paysage. Plat et rempli de forêt de bouleaux et de pins, le tout recouvert de neige. On se demande d'ailleurs comment on va pouvoir passer de Port Baïkal à Listvianka dans trois jours si le lac est gelé. On prend deux fuseaux horaires en arrivant à Ekaterinbourg où l'on attend deux heures le train pour Slioudanka à côté du lac Baïkal. Départ à 22h00 en kuppé (couchettes fermées à quatre) pour trois nuits de train.
La première chose qu'un russe fait en arrivant dans le train c'est de se mettre en training et en pantouffles qu'il quitte juste avant de débarquer. Les plus organisés sortent de leur sac du thé et du sucre, ainsi qu'une tasse avec un couvercle. Vers 11h00 une dame vient nous demander un tas de truc : on acquiesse sur le dernier mot. Et le repas est servi dans les couchettes une demi-heure plus tard : ce sera une soupe en entrée et du poulet ! On profite aussi de découvrir la voiture-restaurant où un russe sympatise avec nous et on finit une bouteille d'alcool fort. Heureusement qu'un arrêt nous sort de ce "mauvais" pas : il sort fumer, on va se coucher… À chaque arrêt on sort se dégourdir les jambes : la température oscille entre -5°C et 5°C, il n'y a pas de vent et un grand ciel bleu. Très beau.
Il y a des tas de montagnes et, enfin, on l'aperçoit : le lac Baïkal, immense et gelé ! Arrivée à Slioudanka à 11h30. Le bled n'est pas très grand, on va direct jusqu'au lac pour marcher dessus. Au loin, des pêcheurs. Puis attente du train (une locomotive et une voiture de place assise) pour Port Baïkal : à la sortie de l'Angara, fleuve dégelé aperçu à Irkoutsk. Il est bien plein pour dire qu'il n'y en a que quatre par semaine. Paysages magnifiques : montagnes qui se jettent dans une surface blanche gelée. Au bord, des cassures de glace se sont amoncelées. Partout on voit des gens sur la glace : qui pêchent ou qui se déplacent (en voiture, en camion, en ski de fond, en vélo, en marchant, …). Le train met un peu plus de cinq heures pour parcourir un peu moins de cent kilomètres. Arivée au soleil couchant. Le port est gelé, mais la rivière dégelée et il semblerait que des bâteaux traversent quand même. On va au produkti (petit magasin de produits indispensables) chercher deux bières et on pose nos affaires dans l'ancienne gare pour la nuit. Au calme. C'est beau.
Il fait froid, mais le soleil brille bien. On marche sur le lac, et en fait ça va vite et bien. Deux heures après on arrive à la gare "Km 80". Un torrent d'eau gelé nous attend. On continue sur les voies du chemin de fer, mais la neige rend la progression plus difficile. Et sur la glace, il y a des sculptures : on se demande quelle épaisseur de glace il y a… Surtout qu'on voit régulièrement des failles là où il n'y a pas de neige et, pire, on entend des "boum" fréquents : le tout bouge, se brise, se tasse, se collisionne. On n'est pas du tout rassuré alors on fait demi-tour. Bref, on reste bien dans les traces des voitures et on rentre. La neige est bien plus molle que ce matin et on piétinne beaucoup, c'est très fatiguant. De retour à Port Baïkal (Km 72 environ) on est crevé comme après une bonne journée de ski, avec toute cette neige, ce soleil, et cette réverbération. Malgré cette grosse journée, on a pas très bien dormi : entre la locomotive restée allumée de 18h30 (l'événement du village) à 2h00 lorsqu'elle repart pour Slioudanka, le groupe de touristes qui a débarqué et qui marche comme un troupeau d'éléphants sur ce plancher en bois, et les chiens du village qui aboient, le calme de la montagne a été très relatif ! Sans compter la sensation de chacun des resorts du matelas qui percent la peau…
Il a dû faire sacrément froid cette nuit car même le fleuve a gelé, peut-être que d'un centimètre mais quand même. Le bateau part à 8h30, les vaguelettes fissurent la glace, on voit le fond du lac : l'eau est incroyablement claire. Donc bateau jusqu'à Listvianka, attente de quelques minutes du mini-bus pour Irkoutsk, chauffé à bloc, et arrivée vers les 10h00.
On se repère dans la ville (mais où donc nous a déposé ce mini-bus ?), recherche d'un hôtel, course au marché pour les provisions de ces trois prochains jours de train, change d'argent, visite de la ville à l'aide d'une ligne verte peinte par terre qui parcourt, en 5 kilomètres, une trentaine d'étapes (bâtiment, lieux, hommes).
On se rend en tram à la gare, le challenge est d'en trouver l'entrée, puis l'accès aux quais… Départ du train à 2h53 (heure de Mosou, Irkoutsk est à GMT +8, et à +5 de Moscou, un vrai casse-tête !) Trois nuits de trains jusqu'à Pékin. Le provodnik (chef de voiture) n'a pas prononcé une seule parole. Après avoir quitté le lac et ses collines boisées de bouleaux et de pins, on passe à travers des steppes sans neige, d'herbes jaunes hautes, que des feux consumment à plusieurs endroits. Et il y a beaucoup de sable. Les maisons sont toujours en bois, mais sur deux étages, avec des enclos plus grand. On profite de la voiture-restaurant : nappe plastifiée en imitation broderie de grand-mère, rideau rajouté/cloué au-dessus des fenêtres, sièges inoccupés sauf par des provodniks qui ont l'air de s'ennuyer, musique russe forte, chauffage à fond. Par la fenêtre, la nuit nous laisse voir un "festival des lanternes" : partout des feux de prairie comme des lampions dans le paysage.
Au lever le paysage a radicalement changé : steppes jaunes de hautes herbes, chevaux qui paissent, disparition des arbres, pistes de sable. Au loin il y a, en plus du jaune, soit du blanc : c'est une rivière gelée qui dégèle gentiment, soit du noir : c'est une prairie qui vient de brûler, soit du brun : c'est une prairie qui a brûlé il y a quelques temps déjà. En tout cas au niveau couleur c'est joli ! Arrivée à la frontière russe à 13h30. On profite des trois heures que prennent le changement des boggies pour "visiter" Zabaïkalsk. Et y'a pas grand chose : rue de terre, quartiers éparpillés, immeubles en construction à l'abandon, plein de produkti… Les passages de frontière sont toujours très intéressants : contrôle des papiers et des bagages, et comme d'habitude les russes démontent le train. Côté chinois ils sont moins drôles et cela en devient pathétique : ils nous confisquent nos quatres pommes et on doit signer une décharge, mais ils laissent le restes de nos denrées périssables ! On vide deux fois nos sacs… Après on peut sortir du train, mais pas de la gare. On fait du change. Au loin les lumières de Manzhouli brillent : une ville a poussé en moins de 10 ans.
Contraste saisissant : paysage brun poussiéreux, épaisse couche de brouillard jaune, champs labourés, petits villages de briques avec de la paille qui sèche, ou du maïs, et trop souvent des champs de plastique ou de chenit divers, et des énormes grattes-ciel ont fait leur apparition au milieu de rien : minimum vingt immeubles de minimum trente étages à côté d'autres en construction et ceci sans interruption depuis Haerbin et sans autres infrastructures. À chaque arrêt on sort prendre l'air, mais difficile de sortir du quai : il y a tous les vingt mètres un gardien de l'ordre qui surveille quelque chose… De toutes façons on ne sait pas exactement quand le train repart et nos provodniks se sont mis en pause dès la frontière franchie…
Arrivée à Pékin vers les 5h45 sans avoir vu le soleil depuis notre entrée sur le territoire chinois. Métro jusqu'à l'auberge : tout le quartier a changé, les rues sont refaites, les hutongs se sont modernisés. Légère visite de la ville en attendant notre amie qui nous rejoint à 17h00.
On prend nos marques. Déjeuner de raviolis cuits à la vapeur au coin de la rue, change dans la seule banque agréée, visite de la place Tiananmen et de la Cité interdite où malheureusement il y a trop de monde. Chaleur étouffante. Visite des parcs alentours où il y a toujours des gens qui chantent, qui dansent, ou qui créent de l'art. On profite aussi de découvrir les spécialités culinaires d'ici, c'est vraiment bon. On reprend le tour pour la muraille de Chine qui nous permet de marcher quelques kilomètres dessus. Tout a changé : il y a une station touristique de bienvenue en bas, on fait un aller-retour sur la muraille, et les segments non refaits sont de plus en plus rares. Mais cela reste toujours aussi impressionnant, et sitôt quitté le groupe il n'y a plus que le silence ou le bruit du vent. Retour avec les jambes sciées et une bonne fatigue physique. On tombe par hasard sur un marché aux fruits et légumes dans notre quartier. On visite quelques temples plus ou moins touristiques ainsi que le Temple du ciel, au patrimoine de l'UNESCO depuis 2008 : malheureusement il pleut, il manque des explications pour qui ne lit pas le chinois, et on ne peut pas rentrer dedans donc on est entassé vers la petite ouverture avec des hordes de chinois qui poussent… Déception ! Visite du zoo, des fameux pandas qui ont l'air malheureux, et du reste des animaux. On va chercher nos visas pour la Corée du Nord et le billet de train pour Pyongyang. On finit par aller faire des courses pour le train, chercher nos sacs, aller à la gare, en trouver l'entrée ainsi que l'accès du quai. Une fouille en trois étapes (contrôle du billet, des sacs et de la personne) est effectuée à l'entrée de la gare. Il y a beaucoup de monde, dont plein qui nous photographient. Voiture-lit nord-coréenne. On se rend à la voiture-restaurant chinoise. Heureux d'aller enfin en Corée du Nord.
Ce qu'il faut savoir c'est que la voiture est climatisée, on ne peut donc pas ouvrir les fenêtres. Et la majorité des passagers sont nord-coréens (on les repère à leurs pin's !) et ils fument tout le temps et partout… La voiture devient très vite un nuage ! Et il n'y a pas de chauffage. Donc non seulement il est très difficile de respirer mais en plus il fait très froid. Passage de la frontière dès 7h30. Après le fleuve, la Corée du Nord : quatres formulaires à remplir, une dame qui vient nous palper, une autre qui nous pose des questions, puis un autre pour on ne sait pas quoi… Ils sont tous gentils et cordiaux, mais l'une d'elle a lu notre journal qu'on trimballe depuis notre départ à la recherche de quelque chose de compromettant ! On repart de la frontière à 13h30, à 280 kilomètres environ de la capital nord-coréenne. Il n'y a pas de voiture-restaurant. On se rabat donc sur les nouilles lyophilisées qu'on nous propose gentiment ! Les paysages ne sont pas très diversifiés : il n'y a que des rizières, peu de routes, pas de voitures mais beaucoup de piétons et de cyclistes. Beaucoup de villages aussi, et la terre est partout travaillée. Arrivée à Pyongyang avec deux heures de retard, il pleut des cordes dans un brouhaha fracassant, il fait nuit (il n'y a pas d'éclairage allumé), et il y a beaucoup de monde. On doit retrouver nos deux guides obligatoires sur le quai : les touristes ne sont pas autorisés à voyager seuls en Corée du Nord. Le temps de se regrouper, de se rassurer et de trouver une lampe de poche, qu'un gars parlant français nous accoste : c'est notre guide ! Ouf ! Transfert à l'hôtel : deuxième coupure d'électricité, repas, mise au point du programme en buvant une bière nord-coréenne. Puant la fumée froide, on se couche.
C'est très spécial et il faut s'habituer à avoir deux guides en permanence avec nous. Au programme durant notre semaine nord-coréenne nous visitons tout d'abord les grandes statues des Kim premier et deuxième où l'on doit déposer une gerbe de fleurs, se prosterner et écouter tout le bien qu'ils ont apporté à leur pays. Nous visitons le musée de la guerre avec les prises que les nord-coréens ont eues sur les états-uniens, notamment une bâteau espion (il y a un garde à côté de chaque porte et des gars qui astiquent la coque pour qu'elle brille). Grâce à une coupure d'électricité nous ne finissons pas la visite et n'auront "malheureusement" pas le temps d'y retourner. On prend le métro sur cinq jolies stations et visitons le musée qui lui est dédié, ou plutôt le musée des visites du Président et de ses conseils avisés concernant la construction du métro. On essaie de visiter le musée du chemin de fer mais on doit la stopper pour une raison inconnue… Ici, partout à l'intérieur il fait froid. Environ 14°C. Au restaurant ou dans les musées. Alors qu'à l'extérieur il fait à peu près 18°C ! Bref on met la veste quand on rentre dans un bâtiment, c'est une astuce à ne pas oublier !
Parfois on nous permet de marcher un peu dans certaines rues : celles-ci sont d'ailleurs gigantesques, de grands trottoirs larges et bondés qui entourent une route avec trois voies de circulations dans chaque sens, quasi vides. Le tout entouré de grands immeubles avec de grands slogans de propagande rouge. Sinon la ville est propre et espacée. On va au cirque : numéros d'acrobates très sympathiques, foule très enthousiaste.
Les guides sont gentils mais cadrants. Ils sont parfois naïvement curieux, ignorants sur certaines choses de l'extérieur. Au fil de notre semaine, il vont se révéler sympas et drôles pour autant qu'on reste dans notre rôle. Dès qu'on va trop loin dans nos questions elles sont éludées, répondues à côté, tirées en corner ou autre… C'est difficile de trouver le bon millieu pour chacun d'entre nous.
Visite de l'Arche de triomphe, du Cimetière des martyrs (avec des histoires impressionnantes racontées par nos guides à propos de ces héros), du Mausolée de Kim I et de Kim II : il y a tout un processus de recueillement dans l'ancien palais présidentiel avec brossage de chaussures à l'entrée, tapis roulant où on observe des photos d'eux, salles qui comprennent les médailles reçues, les voitures utilisées, puis finalement leurs corps exposés où on doit s'incliner. Il y a beaucoup de monde et chaque nord-coréens a mis ses plus beaux habits : beaucoup de silence et de respect transpirent de cette atmosphère feutrée. Très spécial pour nous. Visite du musée de l'Histoire de Pyongyang, le seul musée qui n'est pas le musée de "Kim visite le musée et donne ses instructions" ! On va voir la tour du Juche (doctrine qui dit en gros de faire son destin par soi-même). Visite d'une école secondaire avec trois autres groupes de touristes : arrivée dans une classe sous les applaudissements, discussion avec les élèves en anglais aussi mal à l'aise que nous et présentation d'un spectacle de chant avec une sonorisation terrible. Puis partie de bowling (des années 60, interrompue par une coupure d'électricité) où le guide nous paie une bière. Sympa.
Les repas sont toujours très copieux. Il y a dix mille fois trop. Et il y a huit à dix entrées, puis du riz et finalement de la soupe. On mange dès que le premier plat touche la table et on n'a plus faim à la troisième entrée ! Dans celles-ci, il y a au moins du choux fermenté au piment, de la viande et du poisson. On boit de l'eau tiède légèrement aromatisée (thé à l'orge ?) sans qu'on puisse se resservir, et de la bière. C'est bon mais y'a vraiment trop. Dès le premier repas on a invité nos guides à la même table que nous (ils étaient à la table d'à côté mais on était séparé !) ce qui permet des échanges plus sympathiques et décontractés.
On roule jusqu'à Nampo sur une autoroute 4 pistes défoncées sans personnes dessus mis-à-part les cyclistes et les piétons, très nombreux. À Nampo on visite le barrage puis un temple avec explication d'un moine. On se demande si le texte est de l'appris-par-cœur : on devient parano ! Les paysages sont très beaux. D'abord des plaines cultivables où il y a beaucoup de Volontaires qui sèment du riz. Comme il a pas plu depuis longtemps, la terre est claire et il y a beaucoup de travail à faire. Il y a aussi de belles montagnes. Visite d'une ferme coopérative, enfin, du musée de Ses visites…
Le soir on essaie de prendre une douche : l'eau chaude est normalement disponible de 7h à 7h30, de 13h à 13h30 et de 19h à 19h30, et lorsqu'on est dans le bon créneau il faut non seulement espérer que cela fonctionne bel et bien (assez de pression) mais qu'en plus il n'y ait pas de coupure d'électricité ce qui arrive une vingtaine de fois par jour environ. Souvent il n'y a pas du tout d'eau chaude et on se débrouille avec une bouilloir et un bac. Et il faut aussi penser que s'il y a une coupure d'électricité la chasse d'eau des toilettes ne fonctionne pas non plus… Direction le bar de l'hôtel où un débriefing de la journée est nécessaire. L'intérieur de l'hôtel est notre seul espace de liberté ! C'est très pesant : on subit non-stop une propagande dirigée surtout lorsqu'on est dans un "cadre obligatoire". Les guides récitent un texte appris qui glorifie tout ce que leurs Kims ont fait et qui glorifie leur nation, même si cela est parfois terriblement tiré par les cheveux. À d'autres moments, plus décontractes, on a des discussions plus basiques (Que mangez-vous ? Où allez-vous faire les courses ? Comment les transports en communs sont payés ? …) où les guides sont beaucoup plus spontanés et on a plaisir à discuter avec eux. Lors de ces occasions, les échanges sont riches. Ensemble, on se permet d'être plus critique sur leur société (raisonnablement) comme sur la notre.
On dort une nuit à Kaesong, ancienne capitale d'une antique dynastie et ville à proximité de la frontière et donc de la zone démilitarisée (DMZ). Avant la ville, visite d'un tombeau/tumulus inscrit à l'UNESCO d'un roi Kongmin et d'une reine. Hôtel sympa dans un vieux quartier de Hanok retapé avec chauffage au sol et on dort sur un ondol. Visite de la DMZ de Panmunjeon : passage d'un check-point deux kilomètres avant la ligne de démarcation, deux militaires nous accompagnent, visite d'un hangar dans lequel l'armistice a été signée et où il y a eu des pourparlers de paix. La zone démilitarisée comprend les deux kilomètres de part et d'autre de la frontière où il ne devrait pas y avoir d'activité militaire. Il ne faut pas oublier que les deux Corées sont toujours en guerre ! Ils ont créé à Panmunjeon une zone où les deux camps peuvent se rencontrer : ils rentrent, par le sud ou le nord, dans un hangar posé au milieu de la frontière avec une table au centre. Il y a des gardes nord-coréens du côté de la Corée du Nord et pas âmes qui vive en face, vers les bâtiments de la Corée du Sud. Notre natel sonne : il reçoit un signal du sud ! (J'ai en effet oublié de préciser qu'il n'y a pas de réseau dans toute la Corée du Nord, on est en silence radio complet pendant une semaine ! Impossible de donner des nouvelles à nos familles inquiètes).
Visite au nord de Pyongyang du mont Myohyangsan où se trouve l'Exposition de l'amitié internationale dans laquelle sont exposés tous les cadeaux reçus par les Kim ! 140 salles ! Heureusement qu'on s'entend bien avec nos guides car on voulait surtout aller marcher dans cette région, et après une dizaine de salles ils sont navrés de devoir nous annoncer que si on veut aller marcher il va falloir écourter la visite de l'exposition… Vraiment cool ! Deux heures de randonnées : une heure de montée où des marches ont été sculptées dans le granit. Heureusement qu'il y a des barrières car ça monte vraiment raide ! Vue magnifique. Et on redescend. Marche sans but mais on a eu l'impression de revivre, ça nous a fait un bien immense !
Les guides nous emmènent dans un magasin de souvenirs puis on marche jusqu'à la gare (notre plus longue promenade en ville). On prend une photo souvenir, on s'échange nos adresses, on s'échange des cadeaux improvisés, et ils attendent le départ de notre train après des adieux enlassés ! Incroyable ! J'y aurais pas cru une seule seconde ! On a eu des questions parfois dérangeantes, personnelles, pointues, insistantes. On a beaucoup ri ensemble, on a bu des verres ensemble, fumé des cigarettes, et tout ça a créé un bon contact. C'est vraiment chouette. Même si la Corée du Nord reste un pays dur avec un dictateur semi-dieu à sa tête et une répression sanglante. On nous a caché pas mal de chose, on nous en a fait croire d'autres, c'est comme ça, mais au moins on est plus critique à présent (sur nos civilisations respectives).
Train jusuq'à Dandong, de l'autre côté du fleuve en Chine. On soupe en ville dans un bon resto et finalement on chope une bouteille de vin rouge pour fêter cette belle expérience (et faudra encore du temps pour tout assimiler ce qu'on a vécu).
On voulait profiter de se lever tard, mais avec le bruit de la route et la chaleur de la piaule on est réveillé à 7h30 ! On marche jusqu'à la rivière qui fait la frontière avec la Corée du Nord. À côté du pont du chemin de fer qu'on a emprunté, il y en a un autre détruit durant la guerre et dont les chinois ont reconstruit leur partie. Après il n'y a que les pilliers ! On essaie de trouver un bus qui pourrait nous mener au port à environ trente kilomètres, mais c'est peine perdue. On prend finalement un taxi. Après deux heures d'attente pour checker, une heure pour le passage de douane et deux heures d'attente sur le bâteau, il finit par partir. Ce ferry pour la Corée du Sud est étonnant : les peu d'endroits disponibles pour se poser sont fermés, la monnaie à bord est le won sud-coréen et il faut trouver où on peut faire du change, le restaurant est ouvert à certaines heures mais uniquement sur réservation préalable que nous n'avons pas et le buffet ne sert que des pizzas ! Il y a des couchettes à cinquante personnes ou à six, lieu qu'on avait réservé heureusement. Le ferry est plein de chinois qui mangent comme de cochons mais qui sont sympas ; certains nous offrent même des bières et du poissons séchés.
Arrivée à Incheon vers les 9 heures et, après la douane et la sortie de la zone portuaire, nous arrivons à Séoul à 14 heure. Il nous reste juste le temps de se repérer, de trouver une auberge et de faire du change que la journée est passée. Visite du parc Jongmyo (inscrit à l'UNESCO) avec une visite guidée obligatoire en coréen pour notre groupe (le dernier !). On visite le vieux quartier de hanok : les rues sont propres et bien refaites.
Ce qui surprend le plus c'est le nombre de lumières : des néons, des phares, des publicités, … Et le bruit : tout le temps, partout. Sans passer par la Corée du Nord cela serait peut-être passé inaperçu, mais là c'est flagrant !
Départ à 11 heures avec un car pour la zone démilitarisée, côté sud ! Au dernier endroit où les civils peuvent aller, il y a un parc d'attraction dans lequel nous faisons une pause. Terrible. Puis trois check-point et le poste Boniface où des GI américains montent dans le car. Vérification de nos passeports. Et enfin l'aire de jonction entre le sud et le nord : visite du même baraquement, gardes sud-coréens et onusiens, les gardes nord-coréens ont disparus. On a aussi eu le droit à une présentation où le nord c'est les méchants : propagande en sens inverse ! Auditoire comblé ! Boutique-souvenir avant le chemin inverse.
Visite du palais Changdeokgung, inscrit à l'UNESCO. Ensemble reconstruit, très beau, dédale de ruelles dans des quartiers (domestiques, roi, reine, concubines), le tout en hauteur pour permettre le chauffage par le sol. Visite du palais Changgyeonggung attenant où l'on découvre un joli parc avec un étang et une serre magnifique. Après un café on va au départ du téléphérique qui mène à la montagne Namsan : il y a une heure de queue alors on abandonne mais savourons quand même la vue et les cerisiers en fleurs.
Notre amie paquète son sac et on l'accompagne au train de l'aéroport. C'était cool de vivre cette expérience ensemble. On finit la soirée avec du soju (alcool de riz) ! Nous on quitte la capitale le lendemain tôt pour Gyeongju qui était la capitale de Silla il y a très longtemps.
Il pleut. On trouve une auberge dans le vieux quartier de hanok, où on est dans une petite chambre à part avec couche sur ondol et porte en papier. Très joli. Et on dort terriblement bien, il fait presque trop chaud !
On essaie d'organiser la suite de notre périple, de déchiffrer les lettres coréennes pour commander nos billets de train. Découverte d'un marché où il y a aussi des tables et des bancs : on y mange. Visite des restes d'un palais et d'un cimetière (les rois sont enterrés dans des énormes tumulus, et il y en a partout en ville). Visite d'un temple avec une pagode de trois étages en briques, plutôt rare. Dégustation des fameux biscuits aux haricots rouges, spécialité de la région.
On prend le bus n°10 pour aller visiter un monastère et avant d'y parvenir on fait le tour du canton ! La région est très montagneuse et la plaine est construite sans discontinuité. Et c'est très touristique. Temple Bulguk joli, avec étang et forêt. Y'a même des moines qui psalmodient et quelques fidèles qui s'inclinent ou se joignent à eux. Et pourtant il y a un monde incroyable autour des lieux de prière. Ensuite on marche environ 2,2 kilomètres en montée pour aller voir un Bouddha dans une grotte (c'est plutôt un tumulus de pierre en réalité…). On aperçoit la mer de l'est.
On prend le train pour Yeongju. Beaucoup de champs cultivés, quelques montagnes verdoyantes, partout des petits tumulus et des arbres en fleurs. C'est notre base de départ pour aller marcher dans le parc national de Sobaeksan. Et c'est moins facile que prévu. L'office du tourisme, à quelques kilomètre de la gare de Danyang, n'a pas de prospectus, pas de carte et le personnel ne parle pas une langue européenne… On marche encore un peu et on tombe sur des grottes peu aménagées. Chers mais sympas, d'autant plus que dans cette vallée, les cerisiers sont encore en fleurs. On prend un bus jusqu'au temple de Guin : environ vingt bâtiments coincés au fond d'une vallée, couvert offert, forêt de pins, bonne atmosphère. On renonce vraiment à aller marcher dans le parc lorsqu'il se met à pleuvoir. Tant pis.
Le V-train est panoramique et circule entre deux bleds dans les montagnes, mais le matin il part de Yeongju et y revient le soir. On prend donc ce train rose pour rentrer à Séoul chercher notre avion. Dans notre voiture il y a un groupe de sud-coréens et de la musique pop-folk locale diffusée par les haut-parleurs du train. Les paysages sont jolis, les vallées étroites, les montagnes abruptes, les rivières vertes, et il y a beaucoup de villages et d'industries. Arrivé à Cheoram, ville minière encore en activité, où une dame nous pousse dans une maison qui s'avère être le musée du charbon de la ville, où une autre dame nous fait visiter par l'intermédiaire de son traducteur sur son smartphone… Gentille dame, comme la plupart des Coréens d'ailleurs. On prend le bus pour Taebaek, prochaine grosse ville où des trains vont à la capitale.
Dernière nuit en Corée du Sud, on va encore vite au marché Namdaemun : principalement des fringues et des souvenirs jusqu'à ce qu'on tombe sur des ruelles à l'intérieur ou entre deux immeubles serrés, où ils servent de la bouffe. Il y a une alignée de bancs longitudinaux à l'étroit passage où on pourrait s'asseoir pour manger. Puis on tombe sur la partie nourriture, ou plutôt poissons. Sympa et toujours très vivant ! Et le temps passe : il faut vite aller à l'hôtel chercher nos sacs, prendre le train pour l'aéroport, trouver le bon terminal, checker les bagages, passer la douane et l'immigration, et lorsqu'on trouve la bonne porte il ne reste que quelques minutes avant l'embarquement : le temps d'un café !
On décolle à 14 heure, le temps de vol est de 13 heures 30, et on arrive à 19h30 à Rome. On récupère nos bagages, puis train jusqu'en ville, recherche de notre hôtel réservé depuis Séoul avant le départ, achat d'une bouteille de rouge italien et on profite du balcon compris dans la chambre ! Europe nous revoilà !
Au déjeuner on tente de se persuader qu'on mange bien en Europe et qu'on est content de retrouver des saveurs connues, mais on regrette quand même les repas asiatiques ! Visite de Rome en commençant par le Vatican… Malheureusment on est dimanche 9h30 : une foule s'amasse vers la place Saint-Pierre. On ira visiter une autre fois ! Du coup on déambule dans les rues, en fait y a beaucoup de monde partout, c'est pénible. Et les gens sont peu sympas. Le soir on va attendre à Tiburtina le train de nuit pour Milan. Et on se réjouit de ces voitures-lits à la mauvaise réputation…
Finalement on a pas si mal dormi dans ces lits italiens ! Et que dix minutes de retard et un super déjeuner (bon, en fait, un bon café et des biscuits...). Donc, bien qu'on doive changer de gare (de Porta Garibaldi à Termini), on chope notre correspondance pour chez nous.
On est bien content d'être de retour... comme ça, on pourra repartir !